Dialogues Interdits – Épisode 8 – Ode À La Création

Dialogues Interdits, ou les conversations subversives et légères de deux personnages. Une série d’histoires complètes, dont les épisodes peuvent se lire dans n’importe quel sens.
Chaque samedi matin à 9 H, retrouvez un nouvel épisode de Théo Kosma.

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– Je sais pourquoi hommes et femmes adorent à ce point le sperme.
– On adore pas autant qu’eux. Eux ils en sont si fiers qu’ils cherchent toujours à nous l’étaler sur les lèvres ou les seins, en s’imaginant que c’est une substance incroyablement agréable, et que c’est une façon de nous honorer. Limite on devrait leur dire merci.
– Ça peut être ou ne pas être agréable, tout dépend de l’occasion. Tu n’aimes pas ?
– Je n’aime pas qu’on cherche à me l’imposer, ou que ce soit systématique. J’adore avec… ceux que j’aime et qui le méritent.
– Même celles qui disent qu’elles détestent, au fond elles aiment, j’en suis certaine. Parce que ce liquide, c’est la vie. Impossible de ne pas l’aimer. Ce serait comme haïr la création.
– La vie ? Ce n’est pas uniquement propre au sperme… c’est également propre au sang. Tant celui de nos règles que celui circulant dans nos veines.
– Ainsi qu’un cœur qui bat, la respiration…
– Et l’eau ! N’oublie pas l’eau, nous en sommes constitués aux trois quarts, dit-on. Au moins ces éléments, on les respecte. L’eau, l’air, un cœur qui bat… on les magnifie dans les poésies, les chansons, les peintures… Tandis que le glaire masculin, on en fait toutes les séquences de fin des films pornos. C’est pas tout à fait la même dimension.
– Hommage à la vie un peu spécial, je reconnais ! Hommage tout de même.
– Tu peux aussi ajouter les ovules, à égalité avec les spermatozoïdes. Pourtant, on n’est pas des adorateurs de sang, de souffle ou de battements cardiaques. Ni d’ovules.
– Le sang fascine. Le souffle, on adore l’entendre chez son partenaire, de même que son cœur qui bat. Tu n’as jamais mis ton oreille contre la poitrine de ton mec ?
– Je le fais presque chaque soir.


– Quant à l’ovule, il est trop caché pour qu’on puisse en avoir bien conscience. Sa présence est secrète, discrète.
– Effectivement, on peut difficilement se faire ovuler au visage.
– L’ovule, je suis fan du concept. On ne sait jamais quand il va apparaître, encore moins quand il va fonctionner… et donc confectionner un . C’est toute la magie de l’acte.
– Toutes les emmerdes aussi !
– Ah c’est sûr après, faut gérer. En gérant bien, on sait quand on ne veut pas que ça fasse de petit… et on sait plus ou moins en programmer un, en tout cas dans l’idéal.
– Très peu pour ma pomme. Tous ces millions de spermatos s’écrasent immanquablement contre un misérable bout de caoutchouc. C’est pour ça qu’au fond, je préfère quand ils atterrissent sur ma langue, mes lèvres, mon visage, au fond de mon estomac, ou ailleurs sur mon corps.
– Ils meurent tout autant que dans le préservatif !
– Oui, mais c’est une mort plus honorable.
– Plus honorable ? Tu te rends compte de tous ces spermatozoïdes que tu génocides ?
– Barbarisme ma chère. Génocider n'est pas un verbe correct.
– Oh, arrête de faire l’intello.
– Puis tu racontes n'importe quoi.
– Tu songes à toutes ces charmantes petites bestioles liquéfiées par ton suc gastrique puis évacuées dans tes urines ? Imagine-les tous, à la recherche d'un ovule dans laquelle se fondre en symbiose. Ils arrivent dans un endroit bizarre... ils se croient au fond du vagin alors qu'ils sont dans une gorge, membre pas du tout adapté pour eux. Ils viennent de pénétrer dans leur tombeau ! Ça te fend pas le cœur ?
– C'est bien ce que je disais ! Tu racontes n'importe quoi.
– N'empêche, ça n'en est pas moins vrai.
– Y'a pire. La masturbation par exemple. Tous tes gentils petits spermatos évacués dans un drap ou un mouchoir.
– Heu, ça peut être aussi sur un corps ou un visage.
– Je parlais de la caresse solitaire. Moi au moins je leur offre un abri. Un abri dans un milieu un peu hostile, d'accord.
Un abri tout de même.
– Tu as vu ? Toi aussi tu aimes raconter n'importe quoi. Une fois qu'on s'y est mis on ne peut plus s'arrêter.
– Et c'est contagieux apparemment. Blague à part, la mort est dans le programme de ces bestioles. Au moins 99,9 % d'entre elles sont destinées à mourir, même lorsqu'il y a fécondation. Un seul et unique élu pour des millions de candidats. Quand l’homme dépose sa petite graine la où il faut et sans protection, le destin de quasiment tous les spermatozoïdes est de périr.
– C'est curieux tout de même : c'est une mort qui entraîne la vie. Il faut des millions de morts pour concevoir une seule existence.
– Ça s'appelle la dualité des choses.
– Si tu ne prends pas le risque de faire des s, tu n’as jamais peur des maladies, toi qui passes ton temps à avaler ?
– Je crache avec tous les partenaires peu sûrs.
– C'est donc pour ça que tu suces autant, pour être sûre que ça n'aille pas au mauvais endroit.
– Il doit y avoir de ça. Blague à part, je comprends pas bien ton idée d’aimer le sperme par rapport au principe de vie.
– Nous sommes dirigées par notre désir de faire jaillir la vie. À défaut de faire des petits, on veut voir ou sentir le sperme jaillir. C’est une forme de célébration de l’existence. Ceux qui font jaillir le sang, c’est pareil.
– Heu… QUI ferait jaillir le sang ?
– Beaucoup de monde. Tu n’en as pas conscience car tu mènes un quotidien peinard, sans violence, dans un pays en paix. À travers les époques et les continents, ceux qui font jaillir le sang sont nombreux.
– Ils tuent pour rendre hommage à la vie ?
– Inconsciemment, oui. Enfin, c’est ce que je pense. Évidemment ils font fausse route… c’est une déviance. Les militaires et les assassins, s’ils avaient de jolies filles à baiser je suis sûr qu’ils calmeraient leurs ardeurs meurtrières.
– Continuons à coucher à tout va alors. Il se pourrait bien qu’on croise les tueurs en série ou les commandants des armées de demain et qu’on change leur destin en les faisant jouir bien comme il faut.

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